Mas des oliviers, Le by Bruel Annie

Mas des oliviers, Le by Bruel Annie

Auteur:Bruel, Annie [Bruel, Annie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir
ISBN: 9782258094024
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 2012-04-30T22:00:00+00:00


Le dimanche qui suivit, madame de Carlon partit de bon matin avec Peter et Clara.

— Je vais à Monte-Carlo, dit-elle à Ninon avant d’ajouter, magnanime : Je rentrerai tard, si tu le veux, tu peux aller chez Joséphine.

Ce n’était que le petit matin, mais déjà Marius et Yvon allumaient le four pour cuire le pain. Yvon déposa sous la voûte de pierre des brassées de brindilles de futaie puis des cepouns d’oliviers qui donneraient une braise quasiment éternelle. Toujours tenté de se faire remarquer, Yvon y allait de bon cœur. Dans son désir d’épater Marius, il en faisait beaucoup trop. Soudain, il heurta le pilier d’un grand coup de bûche maniée sans précaution.

— Doucement, petit couillon, hurla Marius, tu vas me dégandiller le four !

Et son pied leste s’en alla cogner le derrière d’Yvon.

Le gamin s’éloigna d’un pas, frotta l’impact du revers de sa main et revint se mettre à l’ouvrage. Marius et Bernard avaient la rudesse des campagnes, la gifle facile et le verbe haut. Depuis qu’il était avec eux, Yvon, tout d’argile brute, attrapait des roustes cinglantes plus souvent qu’à son tour. Mais, comme Ninon dans la procession des moissonneurs, il avait trouvé sa place et, instinctivement, il provoquait le coup qui lui rappelait, avec bonheur, qu’on tenait beaucoup à lui.

L’aïeul surveillait la montée en chaleur pendant que Joséphine et Ninon préparaient la pissaladière et le gratin de courges qui cuiraient après le pain.

Puis elles brassèrent une dernière fois la pâte qu’ensuite Joséphine mit en boules toutes semblables, sans mesure ni balance, juste à l’œil et au poids sur la main.

Alors arrivèrent Jules, le musicien qui aimait autant son public que l’odeur du pain, et Françoise avec, dans son panier, une pièce de porc. Dans leurs pas, Virginie accourut, suivie de la brouette de Josette, toute cahotante sous le poids de la pâte prête à cuire.

Comme la journée était belle, elles s’assirent dans les tourbillons légers de fumée, sur l’herbe encore sèche de la fournaise de l’été. Joséphine, enceinte, resta près de Fanny et crocheta avec elle. Yvon partit derrière les chasseurs et les chiens. Les voisines papotaient. Une cigale attardée grinçait au creux d’un chêne.

Ninon s’étendit sur l’herbe, ferma les yeux et chercha en vain une sorte de répit, comme une hébétude salutaire qui l’empêcherait d’endurer son supplice. Joséphine l’observait par petites touches par-dessus son crochet : « Elle maigrit, cette petite, pensa-t-elle. Bientôt il ne lui restera sur les os que la peau et les cheveux. Elle souffre mille morts. Je me suis trompée… »

Ninon se retourna face à la mer, vers l’infini, afin que personne ne voie les larmes qu’elle sentait perler. Elle en avait l’habitude, chaque fois qu’elle laissait aller son corps, le chagrin en profitait pour s’en échapper.

Quand le four fut bien chaud, l’aïeul ouvrit la porte. Les miches s’enfournèrent une à une et, plus tard, le rôti puis le gratin. La fumée devenue plus légère fit signe aux tourtes et aux pissaladières d’approcher enfin.

Tandis que Ninon, absente, entassait dans la maie les miches dorées et fumant encore, Joséphine en découpa une et lui tendit sa part.



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